Bien vivre son internat

Risques psychosociaux : se former, se préserver, s’épanouir

L’internat est une longue route dont le paysage change tous les six mois au gré des stages qui le compose. Certains segments du trajet sont plus faciles que d’autres. Certains nous challengent. D’autres parfois nous interrogent : est-ce la bonne voie ? Est-ce normal de fatiguer ? Est-ce que ce que je vis est normal ? Comment faire lorsque les difficultés deviennent insupportables ? Comment trouver le juste équilibre entre vie privée et vie professionnelle, entre le juste investissement et l’épuisement, entre le fait de s’épanouir dans sa spécialité et de se préserver des “risques psychosociaux” ?

 

Les risques psychosociaux (RPS) représentent un ensemble de conditions susceptibles de dégrader l’état de santé psychique d’un individu. Par exemple, une surcharge de travail, un manque de supervision, un management inhumain, un événement de vie stressant (décès d’un proche, naissance d’un enfant, séparation…), un décalage entre ses aspirations et la réalité du terrain, l’absence d’espace de discussions etc. Cette atteinte psychique peut entraîner des conséquences professionnelles et sociales. 

 

Face aux RPS, les internes sont particulièrement concernés. En effet, une récente étude de 2017 mené par l’ISNI conjointement avec d’autres structures représentatives des étudiants en santé a permis de faire le lien direct entre un certain nombre de risques (manque de soutien des pairs, carence de médecine du travail, fatigue, etc.) et la survenue de signes d’anxiété ou de dépression chez les internes. Les internes, les médecins, comme la plupart des professionnels de santé sont champions dans un domaine : celui de faire comme si tout allait bien que ça ne va pas, et de ne surtout pas prendre un peu de temps pour s’occuper de soi, et éventuellement, aller voir son médecin généraliste ou un professionnel de santé.

 

Concernant leur suivi médical professionnel, les internes relèvent du service de santé au travail de l’entité où ils effectuent leur stage. A défaut, ils relèvent du service de santé au travail de leur CHU d’affectation. La réglementation prévoit déjà un suivi obligatoire par le service de santé au travail (SST). Il peut être sollicité par les internes eux-mêmes et répond à toutes demandes d’intervention collective ou individuelle respecte le secret médical. Il permet d’aborder certaines problématiques de santé au travail en dehors d’un contexte de crise et d’instaurer un suivi adapté si des facteurs de risques sont repérés. Il est complémentaire et ne se substitue pas à un suivi médical général. Il permet d’orienter vers d’autres intervenants pour améliorer les stratégies de gestion du stress l permet de réaliser un point sur les addictions (tabac, alcool, drogues, anxiolytiques, hypnotiques) 

 

Dans certains cas, loins d’être majoritaires, les difficultés rencontrées par l’interne peuvent nécessiter l’intervention d’un professionnel de la santé mentale. La consultation d’un psychologue ou d’un psychiatre pourra n’être que ponctuelle, permettant de faire le point sur la situation de l’interne, tout comme elle pourra lui proposer un suivi, pour l’aider à faire face aux difficultés, et/ou l’accompagner en cas de trouble psychique (trouble anxieux, trouble de l’humeur, trouble du sommeil…).

 

La consultation d’un professionnel de santé semble parfois pas très facile pour des internes, notamment dans des situations de détresse. Il existe des structures associatives (centres d’appel, consultations dédiées), parfois organisées par les syndicats et associations d’internes locaux, où le contact peut être plus facile à prendre. Il est toutefois légitime qu’un interne ne souhaite pas  être pris en charge par d’éventuels collègues au sein d’une structure qui accueille parfois leurs propres patients. Cette réticence est prise en compte par les structures associatives qui répondent précisément au besoin d’anonymat. Ces associations proposent une communication par messagerie ou une écoute bienveillante directe par téléphone ou chat. Au fil du temps, elles ont constitué un réseau d’intervenants vers lesquels chaque personne peut être orientée en fonction de sa demande. 

 

Quelles solutions peuvent être proposées en cas de grande difficulté ? Un interne, conjointement avec le médecin du travail et dans le respect absolu du secret médical, peut être mis en arrêt de travail le temps de se reposer, et retrouver l’énergie et les ressources pour poursuivre sa formation au mieux, notamment dans le cadre où la source de ses difficultés réside dans le stage où il se trouve. Après un temps suffisant pour l’interne, une remise au travail est possible. Cette étape nécessite la collaboration des responsables, de la direction, du médecin du travail/psychologue avec l’accord préalable et impératif de l’interne à cette collaboration. Le médecin du travail évalue la nécessité médicale (ou non) d’extraire le jeune médecin de son stage initial et peut proposer un aménagement voire un changement de stage si nécessaire. L’avis du médecin traitant/psychiatre par l’intermédiaire d’un courrier remis au patient contribue à l’évaluation de l’efficacité de la prise en charge. La protection de l’interne vis à vis de menace de répercussions qui pourrait lui être faites est un point crucial du dispositif qui justifie, si l’interne le souhaite, d’associer son syndicat local ou national aux démarches.

L’internat reste une période de formation, certes exigeante par certains aspects, mais qui ne devrait jamais, en aucune façon, porter préjudice au bien-être de l’interne. Les récents travaux sur la population des soignants justifient une attention décuplée concernant leur exposition aux risques psychosociaux, et l’aménagement de possibilités d’accompagnement adapté et bienveillant. Si traverser une période difficile au cours de son internat (moment de la vie qui correspond aussi à un certain nombre d’événement de vie parfois difficile : décès de grands parents, ruptures sentimentales, éloignement familial…) est fréquent (nombre de chefs vous le confirmeront), logique du fait d’un métier en rapport direct avec les souffrances humaines, c’est faire preuve d’une grande force que d’aller trouver un interlocuteur à qui s’adresser quand “cela ne va pas”. La stratégie de “serrer les dents, ça va passer” conduit bien plus souvent à des drames qu’à des succès. 

 

Centre NATIONAL d’APPUI

Le Centre National d’Appui à la qualité de vie des étudiants en santé est une structure soutenue par les ministères de l’enseignement supérieur d’une part et des solidarités et de la santé d’autre part, lancée le 15 Juillet 2019 à la suite du rapport du Dr. Donata Marra sur la qualité de vie des étudiants en santé. Son objectif est d’être la structure responsable du suivi et de la mise en oeuvre des 15 engagements de ce rapport au niveau national. Il est constitué d’un centre de ressources qui propose et favorise des interventions de prévention pour améliorer la qualité de vie des étudiants en santé sur le plan collectif et individuel. 

 

Le CNA coopère avec tous les acteurs impliqués dans la réalisation de son objectif, dans un esprit de concertation et de transparence pour une approche globale de la problématique (depuis les aspects pédagogiques, encadrement de stage, jusqu’aux éléments médico-psycho-sociaux et systémiques). Ainsi, l’ISNI est directement membre du comité de direction du CNA et participe activement à ses actions et à son développement au service des étudiants et des internes. 

 

Concrètement, le CNA propose des formations et recommandations sur la qualité de vie des étudiants en santé à destination des enseignants, coordinateurs de DES et responsables d’enseignement, ainsi qu’aux responsables associatifs. Il aide à la diffusion des bonnes pratiques. Il favorise et participe à la recherche sur ces  thématiques. Il contribue à l’évaluation de l’impact des politiques d’enseignement et leurs réformes sur la qualité de vie des étudiants en santé. Il accompagne et fait le lien entre les interventions menées dans toutes la France, les structures d’accompagnement universitaires (ou associatives d’étudiants aidant des étudiants) en un réseau national. 

 

Son site internet (https://cna-sante.fr) regorge d’informations sur les méthodes d’apprentissage, l’orientation, la gestion du stress, les risques psychosociaux, les structures d’accompagnements aux 4 coins de la France, les structures associatives d’accompagnement, les formations proposées et gratuites, les ressources scientifiques de bonne qualité sur la qualité de vie des étudiants en santé, et les projets à venir. L’adresse mail de contact y figure. 

 

Le CNA est un interlocuteur important pour les syndicats d’internes et pour l’ISNI sur la question de l’accompagnement des internes sur le plan pédagogique et psychologique. Il est amené à être impliqué dans les commissions de dérogation exceptionnelles pour les changement de spécialité ne figurant pas dans les conditions du droit au remords par exemple.

 

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